Cheminée A.
Cette thèse avait pour objet les habitats de l’Infralittoral rocheux Méditerranéen qui ont un rôle de nourricerie pour les juvéniles de poissons (Téléostéens). Cette étude visait à mieux comprendre leurs caractéristiques et les conséquences de leurs transformations, notamment d’origine anthropique, dans le but de rassembler des données utiles à la gestion des zones côtières. Au sein de la mosaïque paysagère sous-marine, parmi les faciès de la biocénose des macrophytes photophiles de la roche infralittorale, les forêts de Cystoseires forment un habitat à macrophytes arborescentes qui est menacé. Cette thèse a démontré que ces forêts abritaient des densités plus élevées de juvéniles de poissons (notamment Labridae et Serranidae) que celles observées au sein de faciès alternatifs, en particulier les brousses à Dictyotales et Sphacelariales et les faciès de surpâturage. La haute valeur relative de nourricerie, que ce soit des forêts de Cystoseires (pour trois espèces du genre Symphodus), ou des petits fonds à blocs et galets (pour les espèces du genre Diplodus), a été observée de manière récurrente dans les différents sites littoraux étudiés aussi bien à l’échelle locale (1 km) que régionale (20 à 100 km). Cependant, pour un habitat donné, les densités de juvéniles ont montré une forte variabilité spatiale entre sites. La variabilité spatiale des densités
de juvéniles, aussi bien entres sites des forêts à Cystoseires que d’un habitat à l’autre, était notamment associée aux différences de structure tridimensionnelle de l’habitat (hétérogénéité et complexité). Cette structuration fournissait un refuge pour les juvéniles et a en particulier influencé l’efficacité de leurs prédateurs. Ces travaux, sur la base de manipulations expérimentales
et d’observations in situ, ont démontré que les transformations des habitats, telles que la fragmentation des forêts ou la diminution de la densité de leur couverture, réduisaient drastiquement leurs valeurs de nourricerie pour les poissons côtiers. Ces résultats suggèrent que la productivité en poissons virtuellement perdue, dans les zones où les forêts ont déjà totalement disparu, est considérable. Par ailleurs, ces habitats essentiels se sont avérés rares et in-équitablement distribués le long des côtes : dans le cas des Diplodus spp., moins de 10% des côtes rocheuses étudiées présentaient des habitats nourriceries. Enfin, ce travail a mis en évidence que la planification actuelle des mesures de gestion des zones côtières méditerranéennes ne prenait généralement pas en compte la distribution spatiale des habitats nourriceries, ni leur connectivité avec les autres habitats essentiels à chaque étape clef du cycle de vie des poissons. Un schéma conceptuel, visant à adopter une telle « approche paysage » de la gestion, est proposé : il vise à promouvoir une focalisation optimale des efforts de conservation et à garantir ainsi le renouvellement des peuplements de poissons côtiers.